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© INMA
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Une Histoire de France et des métiers d’art

L'histoire des métiers d'art remonte à l’Antiquité, les archéologues nous en livrent les traces émouvantes en retrouvant à Marseille une épave grecque en bois finement assemblée, à Luxeuil des fours de potiers gallo-romains, à Saint-Dizier des bijoux mérovingiens incrustés de pierres précieuses. Chaque civilisation développe ses savoir-faire pour répondre aux besoins du quotidien puis inventer des objets plus élaborés : vaisselle, parures, palais aux décors raffinés.

Itinérance et concurrence

Au Moyen Âge, le système des corporations organise peu à peu la vie artisanale en définissant des métiers bien distincts. Ce cadre très réglementé doit assurer la transmission des connaissances mais aussi garantir la qualité de la production. Les compagnons voyagent et assurent ainsi la diffusion des styles et des techniques. On sait qu’à l’époque gothique, les tailleurs de pierre ou les charpentiers pouvaient passer d’un chantier de cathédrale à l’autre. Il existe cependant des spécificités locales : les émailleurs font la réputation de Limoges, les faïenciers celle de Nevers. Les objets précieux deviennent un véritable enjeu politique. Louis IX entretient dans son palais un atelier d’enluminure prolifique, donnant l’exemple aux seigneurs de la cour qui commandent des livres à leur tour. Henri IV fait venir des lissiers des Flandres et contribue à l’établissement des premiers ébénistes à Paris, venus d’Allemagne et des Pays-Bas. Pour contrer la concurrence, les verriers de Murano ont interdiction de quitter l’île, mais ceux d’Altare émigrent dans toute l’Europe avec leurs secrets.

L’essor des manufactures

Sous Louis XIV, Colbert favorise l’émergence de manufactures nationales en leur accordant des monopoles avantageux : Saint-Gobain pour les miroirs, Alençon pour la dentelle, les Gobelins et Aubusson pour les tapisseries, etc. La culture française rayonne alors sur la scène internationale. Le XVIIIe siècle voit les fabriques proliférer sous la houlette de véritables entrepreneurs. On peut citer l’atelier de porcelaine fondé à Vincennes par madame de Pompadour – qui deviendra la célèbre manufacture de Sèvres –, l’entreprise de toiles peintes créée par Oberkampf à Jouy-en-Josas, l’atelier parisien de Réveillon qui produit des papiers peints de renom, ou encore les premières cristalleries de Lorraine comme Saint-Louis et Baccarat. Brutalement, la Révolution entraîne la disparition des corporations accusées de créer un corps intermédiaire entre le citoyen et la nation. De nombreux métiers s’en trouvent fragilisés.

À l’heure de la révolution industrielle

Mais Napoléon reprend la tradition de ses prédécesseurs, encourageant la production nationale au moyen d’importantes commandes passées aux manufactures. Dans les ateliers en pleine mutation, les procédés s’industrialisent. L’invention du métier Jacquard révolutionne le secteur textile et de nouveaux brevets, comme celui de l’argenture par électrolyse déposé par Christofle, témoignent du dynamisme de cette époque trépidante. Les grandes maisons se mettent en scène lors des expositions universelles. Paris devient capitale de la mode grâce à ses multiples faiseurs. De leur côté, les ouvriers commencent à faire entendre leurs revendications, des verriers de Carmaux aux peintres décorateurs sur porcelaine de Limoges. C’est l’avènement d’un monde nouveau. Venu d’Angleterre, le mouvement Arts and Crafts cherche à réhabiliter le travail de l’artisan en lui rendant l’intégralité du processus de fabrication. On veut décloisonner les genres et c’est dans cette perspective que Gustave Sandoz, bijoutier, et Gustave Larroumet, directeur des Beaux-Arts, fondent la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie en 1889. Le succès de l’Art nouveau permet d’aborder le verre ou la céramique d’une façon plus sculpturale, sous l’impulsion d’Émile Gallé, quand l’Art déco revisite les techniques de la laque ou de la dinanderie avec Jean Dunand.

Un héritage bien vivant

Cependant, la modernité marginalise progressivement des savoir-faire traditionnels : les charrons, les forgerons, les sabotiers se font rares alors qu’il y en avait autrefois dans tous les villages. Dans la France de la Reconstruction, le plastique et le béton remplacent les matériaux naturels et modifient radicalement les paysages. De nouveaux défis apparaissent comme la concurrence des pays à faible coût de main-d’œuvre ou la transmission des savoir-faire aux nouvelles générations. Pourtant, les métiers d’art perdurent et se transforment. Ils représentent toujours une part importante de la culture et de l’économie, marquant les territoires et les esprits. Grâce à la passion et à la créativité des professionnels d’aujourd’hui, cet héritage reste un patrimoine vivant en perpétuelle évolution.

Les dates clés

1889 : Fondation de la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie Le directeur des Beaux-Arts, Gustave Larroumet, et un bijoutier de renom, Gustave Sandoz, créent la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie. Tous deux partagent la même passion : rapprocher créateurs et industriels, artistes et artisans d’art pour renouveler les arts appliqués.

1976 : Le rapport Dehaye, un texte fondateur Soucieux de l’avenir des savoir-faire français, Valéry Giscard d’Estaing commande un rapport intitulé Les Difficultés des métiers d’art à Pierre Dehaye, haut fonctionnaire. Ce texte fondateur identifie pour la première fois le secteur en lui donnant une place dans la sphère politique mais aussi institutionnelle avec la création de la Société d’encouragement aux métiers d’art (Sema).

1994 : Le ministère de la Culture crée le conseil des métiers d’art et nomme les premiers Maîtres d’art C’est en s’inspirant du dispositif japonais des Trésors nationaux vivants que la France nomme une première promotion de Maîtres d’art. Ce titre, attribué à vie par le ministère de la Culture et de la Communication, distingue des professionnels d’excellence qui s’engagent à transmettre leurs connaissances à un Élève.

1996 : La loi Raffarin distingue les artisans d’art La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 – relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat et dite « Loi Raffarin » – consacre l’existence des artisans d’art parmi les artisans. L’article 20 prévoit, au sein du répertoire des métiers, une section spécifique « artisans d’art ».

2003 : Une nomenclature officielle définit 217 métiers d’art Le secrétariat d’État à l’Artisanat définit, par l’arrêté ministériel du 12 décembre 2003, ou « arrêté Dutreil », une liste de 217 métiers d’art répartis en 19 secteurs.

2003 : L’Unesco reconnaît le patrimoine culturel immatériel La conférence générale de l’Unesco adopte la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Elle prend ainsi acte de l’évolution de la notion de patrimoine qui ne se rapporte pas seulement aux monuments ou aux œuvres d’art mais intègre aussi les traditions, les rites et les savoir-faire.

2009 : Catherine Dumas remet son rapport au Premier ministre La sénatrice Catherine Dumas remet au Premier ministre son rapport, Les Métiers d’art, d’excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels : l’avenir entre nos mains. Ce texte contient des propositions concrètes pour développer un secteur jugé essentiel à l’économie et au rayonnement culturel de la France.

2010 : Création de l’Institut national des métiers d’art À l’initiative du Premier ministre François Fillon, la Société d’encouragement aux métiers d’art devient l’Institut national des métiers d’art. Cette institution est placée sous la triple tutelle des ministères de l’Économie, de la Culture et de l’Éducation nationale pour une action plus concertée.

2014 : Adoption de la loi relative à l’artisanat L’adoption de l’article 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 – relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises – apporte une définition des métiers d’art. La liste des métiers d’art est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’artisanat et de la culture. Une section spécifique aux métiers d’art est créée au sein du répertoire des métiers.

2015 : La liste des métiers d’art Fixée par l’arrêté du 24 décembre 2015, la nouvelle liste recense 198 métiers et 83 spécialités soit 281 activités réparties sur 16 domaines désormais plus en lien avec les filières économiques. L’arrêté a fait l’objet de signatures conjointes des ministres chargés de l’Economie, de l’Artisanat et de la Culture.

2016 : Adoption de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine qui reconnaît officiellement les métiers d’art comme secteur à part entière. L’article 3, alinéa 19 de cette loi inscrit la participation « à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art » parmi les objectifs de la « politique de service public en faveur de la création artistique ». L’article 44 apporte quant à lui une précision importante à la définition des métiers d'art issue de la loi relative au commerce, à l'artisanat et aux très petites entreprises du 18 juin 2014. Il reconnaît en effet la pluralité des statuts des professionnels des métiers d'art dont la liste élaborée notamment grâce à l’expertise de l’INMA est définie par l'arrêté interministériel du 24 décembre 2015, en soulignant que cette liste « ne préjuge pas du statut professionnel des personnes exerçant l’une des activités y figurant ». Les professionnels relevant de la liste des métiers peuvent exercer sous différents statuts selon la nature de leur activité (artisan, artiste-auteur, profession libérale, salarié, fonctionnaire…).

Source : « Métiers d'art, données et repères », collection Cahiers des Métiers d'Art, La Documentation Française

Présidence de l'INMA

Pierre Dehaye, alors directeur des Monnaies et Médailles et auteur d’un rapport sur les métiers d’art qui fera date, en est le premier président.

Etienne Vatelot, luthier de grand renom, restaurateur et expert en violons et violoncelles, lui succédera en 1981. Fondateur de l’Ecole Nationale de Lutherie de Mirecourt (Vosges) et du célèbre concours de lutherie et d’archèterie qui porte son nom, Etienne Vatelot contribuera par son action au sein de la SEMA à maintenir vivante la tradition de qualité des métiers d’art français.

Pierre Chevalier, président du conseil de surveillance de Chevalier Conservation, entreprise de restauration textile et ancien président du salon du patrimoine, succèdera à Etienne Vatelot pendant 14 ans comme président de la SEMA.

A l’initiative du Premier Ministre, la SEMA devient en juin 2010 l’Institut National des Métiers d’Art (INMA). 

Jean-Michel Delisle, bronzier d'art, dirigeant de l'entreprise Delisle SA portera le projet de création de l'institut et en sera le 1er président.
 
Gérard Desquand, graveur héraldiste, Maître d’art, Meilleur ouvrier de France, président des Grands Ateliers de France et enseignant à l’Ecole Estienne, lui succède en 2013.

Lyne Cohen-Solal devient la troisième présidente de l'INMA en 2016. Conseillère de Paris et adjointe au maire de Paris chargée du commerce, de l’artisanat, des professions indépendantes et des métiers d’art de 2001 à 2014, Lyne Cohen-Solal est l’auteure d’un rapport sur le secteur de la mode commandé par le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique et le ministère de la Culture et de la Communication.

Luc Lesénécal, PDG des Tricots Saint-James, est élu président de l'INMA le 17 décembre 2019.